« Entre deux tables »

Dans une volonté de transparence et pour vous permettre d’apprécier le travail qui est fait par votre comité exécutif entre les périodes de négociation, nous vous présentons la chronique Entre deux tables [de négociation]. Merci à Brigitte Carrier, chargée de cours, pour la suggestion originale de nom pour cette chronique. 

La chronique Entre deux tables est avant tout diffusée dans l’infolettre. Les mises à jour les plus récentes sur les travaux en cours et les avancées réalisées sont disponibles ci-dessous!

 


Chronique du 26 septembre 2024

Chères et chers membres,

Le jugement rendu dans l’affaire du grief C-2022-03, concernant les EQE d’un membre pour le cours d’éthique en sciences infirmières, mérite que nous nous y attardions. Au-delà du cas particulier de cette collègue, ce jugement soulève des questions cruciales quant à la reconnaissance de notre expérience et à la robustesse de la clause 7.08 de notre convention collective, censée la protéger.

Retour sur les faits

Cette personne, juriste de formation, enseigne le cours « Enjeux éthiques et déontologiques en soins infirmiers » (sous ses différentes appellations) depuis plus de 30 ans. Durant toutes ces années, elle a vu le cours évoluer et a elle-même participé activement à son enrichissement. Au fil du temps, le contenu s’est déplacé d’une perspective juridique vers une approche plus centrée sur l’éthique et la déontologie. Soucieuse de parfaire ses connaissances et de les mettre au service de ses étudiants, cette personne a obtenu un DESS en éthique en 2018.

Son expertise ne s’est pas limitée aux salles de classe. L’Université a reconnu la qualité de son enseignement en la recommandant pour animer une formation sur les notes au dossier médical pour le personnel infirmier de l’Hôtel-Dieu de Lévis. De plus, les évaluations étudiantes de son cours étaient excellentes, démontrant l’appréciation de ses étudiants pour son approche pédagogique.

Malgré ce parcours exemplaire, la réforme du programme DEC-BAC en sciences infirmières, avec sa nouvelle orientation vers la pratique soignante, a remis en question les acquis de cette personne chargée de cours. Le département, souhaitant que le cours d’éthique soit davantage ancré dans la réalité clinique des infirmières, a introduit une nouvelle exigence pour l’enseigner : être membre de l’OIIQ. Ceci est d’autant plus surprenant que l’Ordre lui-même n’exige pas une telle condition pour dispenser un cours portant sur les enjeux éthiques dans une université. Du jour au lendemain, l’expérience et la formation de cette chargée de cours en éthique ne suffisaient plus. L’appartenance à l’Ordre serait devenue un critère incontournable, la privant de la possibilité de continuer à dispenser ce cours qu’elle maîtrisait pourtant depuis tant d’années.

L’arbitrage et ses limites

Face à ce refus de reconnaissance de ses EQE, cette personne membre a déposé un grief, contestant le caractère « substantiel » des modifications apportées au cours. Le syndicat a défendu sa cause, soulignant la continuité de son enseignement, sa formation complémentaire en éthique et la consultation insuffisante quant à l’ampleur des changements.

L’arbitre, bien que reconnaissant la valeur de l’expérience de la chargée de cours, a conclu que le cours avait subi une transformation suffisamment importante pour justifier la nouvelle EQE. Il a rappelé que son rôle n’est pas de se substituer aux instances universitaires, mais de contrôler la légalité de leurs décisions.

La clause 7.08 : une protection insuffisante?

Ce jugement met en évidence une faille importante dans notre convention collective. La clause 7.08, censée garantir la conservation de nos EQE lors de modifications de cours, se heurte à la notion floue de « modification substantielle ». L’absence de critères clairs pour définir cette notion laisse une grande marge de manœuvre aux départements, ce qui peut fragiliser nos droits.

Concrètement, la clause 7.08 stipule que nous conservons nos EQE même si le sigle, le numéro, le titre ou la description du cours changent, sauf si le contenu du cours a été modifié de façon substantielle. C’est justement ce point qui pose problème : qu’est-ce qu’une modification « substantielle » ? La convention collective ne le précise pas, ouvrant la porte à des interprétations divergentes et à des décisions potentiellement arbitraires.

Le cas de cette chargée de cours démontre qu’une modification, même justifiée pédagogiquement, peut avoir des conséquences disproportionnées sur une personne chargée de cours expérimentée. La consultation syndicale, bien que prévue dans la convention, s’est avérée insuffisante pour anticiper et prévenir ce genre de situation.

L’action syndicale se poursuit

Face à ce constat, le syndicat s’engage à :

  • Renforcer la clause 7.08: Nous allons travailler à l’introduction de critères objectifs pour définir la notion de « modification substantielle » et garantir une meilleure protection de nos acquis en matière d’EQE. Par exemple, on pourrait proposer des balises claires en termes de pourcentage de contenu modifié, de nouvelles compétences requises ou d’impact sur la formule pédagogique.
  • Améliorer la consultation syndicale: Nous exigerons une consultation plus approfondie et transparente lors des modifications de cours et d’EQE, afin que le syndicat puisse jouer pleinement son rôle de défense des intérêts des chargés de cours. Nous veillerons à ce que les documents fournis lors de la consultation soient complets et précis, permettant une analyse approfondie des changements envisagés.

Mobilisons-nous!

Ce jugement, au-delà de sa conclusion particulière, nous concerne tous. Il nous rappelle que la défense de nos droits passe par une convention collective solide et une action syndicale forte et unie. Restons vigilants, solidaires et engagés pour un meilleur avenir!